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18.04.2024| Lecture de 9 minutes

Amazon : profession épicier?

Guillaume 1Guillaume Mathieu, associé-cofondateur

Depuis qu’Amazon a ouvert son premier dépanneur sans caissier, Amazon Go, en 2018, je rêve de tester ce concept qui devait changer le visage de l’épicerie. C’est donc ce qui nous a amenés à faire la route de Vancouver (où j’étais invité à animer un séminaire sur l’intelligence artificielle) à Seattle: aller voir et tester la vision de l’épicerie de demain que propose ce géant du commerce en ligne.

La petite histoire d’Amazon Go… et d’Amazon Fresh

Les grandes entreprises technologiques savent que peu de domaines en révèlent autant sur nous que notre alimentation. En plus, elles veulent avoir accès à ces données afin de mieux nous cibler, nous vendre davantage de produits et surtout, entrer en contact avec nous sur une base régulière… ce que l’alimentation permet, comme nous devons manger quelques fois par jour.

L’intérêt d’Amazon pour l’industrie de l’alimentation ne date pas d’hier. En 2017, le géant du commerce en ligne fait l’acquisition de la célèbre chaîne d’épiceries Whole Foods Market. Une annonce qui fait grand bruit à l’époque et qui fait peur à plusieurs joueurs de l’industrie. Après tout, dans son histoire, Amazon a déjà bouleversé la manière de se procurer des produits de plus d’une catégorie!

Puis, en 2018, l’entreprise a annoncé entrer dans le monde réel de la brique et du mortier en ouvrant le tout premier dépanneur Amazon Go doté de la technologie « Just Walk Out ». L’idée était simple, quoique ambitieuse : permettre aux membres Amazon Prime d’accéder aux magasins grâce à leur application, de prendre les items souhaités et de simplement quitter… sans passer par la caisse. Le système de caméras et de capteurs reconnaît les items sélectionnés par le consommateur et sa carte de crédit, associée à son compte Amazon Prime, est facturée. Le buzz était grand! Tous les yeux étaient rivés sur cette innovation majeure. D’ailleurs, très peu de concepts similaires ont vu le jour depuis, démontrant l’importance de l’avancée technologique faite à cette ouverture.

Forte de ses apprentissages dans les petites surfaces de type dépanneur (environ 10 000 pieds carrés), l’entreprise annonce mettre en place, en 2020, une nouvelle chaîne d’épicerie sous l’enseigne Amazon Fresh. Des succursales de taille moyenne avec une offre complète de fruits et légumes, en plus de vendre de l’alcool, de la viande et des produits transformés. Le tout, avec la même technologie « Just Walk Out » qui permet au consommateur d’accéder au détaillant, faire ses courses et quitter sans sortir son portefeuille… simplement grâce à son compte Amazon Prime.

Trois ans et 44 magasins plus tard, Amazon annonce mettre en pause le développement de sa bannière… et retirer la technologie « Just Walk Out » de ses magasins Amazon Fresh. Le développement technologique nécessaire est immense, les lacunes se sont faites sentir… et l’entreprise a réalisé que ne devient épicier pas qui veut.

La curiosité initiale et la praticité du concept ne sont pas suffisantes pour garder la fidélité des consommateurs… qui peinent, entre autres, à trouver tous les articles souhaités dans le même commerce. Amazon teste présentement diverses solutions que les analystes et experts scrutent attentivement, bien évidemment.

Comme l’a dit Neil Saunders, analyste pour GlobalData Retail, ce n’est pas une surprise pour personne qu’Amazon ne livre pas à la hauteur de ses ambitions dans le rayon de l’épicerie.

Amazon Go!
Et puis, c’est comment?

Bref, une partie de notre séjour à Seattle a été consacrée à notre visite d’une épicerie Amazon Fresh et à faire des achats dans un dépanneur Amazon Go. Voici notre expérience.

Tout d’abord, disons-le: Amazon Go est à la hauteur des attentes! Une fois l’application de l’entreprise installée sur notre téléphone intelligent (la compatibilité d’un compte canadien avec les magasins américains n’est pas évidente, mais nous avons réussi!!), l’expérience de magasinage est sans faille. Nous nous sommes amusés à prendre des articles, les remettre en place, changer d’idée et recommencer… et lorsque nous sommes simplement sortis du magasin, l’application a bien identifié les produits « achetés » et a chargé la carte de crédit liée au compte en conséquence.

Le fait de sortir du magasin avec des items dans les mains sans sortir son portefeuille est une drôle de sensation. On a l’impression de commettre un vol. Nous sommes donc beaucoup moins conscients de la dépense et davantage enclins à dépenser plus. C’est assurément une manière détournée d’augmenter le prix du panier moyen. Il ne restait qu’à recevoir notification d’Amazon confirmant notre achat… communication qui a quand même pris plusieurs minutes à entrer.

Amazon Go!

L’expérience est similaire à ce que nous avions vécu chez Carrefour Flash à Paris il y a deux ans. La superficie du magasin est similaire, l’offre produit également : il y a tout ce dont on s’attend d’un dépanneur, comme des chips et des boissons « énergie » en passant par des sandwichs, des fruits coupés et du café.

L’expérience d’achat peut prendre littéralement quelques secondes pour un habitué. Le va-et-vient des clients était d’ailleurs impressionnant durant notre court passage.

D’un autre côté, notre visite d’Amazon Fresh, au nord de Seattle, a été un peu différente car il y avait un enjeu de compatibilité du compte Amazon Prime canadien que nous utilisions et les appareils sur place. Cela ne nous a pas empêché de visiter le magasin et d’y faire plusieurs constats.

Amazon Fresh!

Tout d’abord, d’un point de vue design, le magasin est magnifique. Ce qui frappe en entrant, ce sont les plafonds noirs (ce qui va à l’encontre des codes habituellement associés à une épicerie) afin de cacher les centaines (pour ne pas dire milliers) de capteurs et éviter les reflets qui pourraient nuire à la collecte de données. L’utilisation de nombreuses couleurs vives pour la signalisation et l’affichage presque entièrement en écran LED amène quand même une certaine forme de vie dans l’espace.

Afin de s’assurer que les capteurs prennent les bonnes mesures de mouvement des consommateurs, les étalages se doivent d’être parfaitement ordonnés. Il y a des rails séparateurs parfaitement ajustés à chaque produit, et ce, partout en magasin, que ce soit au rayon des fruits et légumes ou dans la section des viandes, en passant par les allées centrales. Ça donne un effet fascinant au niveau de la perception, comme si on voyait les planogrammes en réel!

Côté technologie, diverses options de magasinage se présentent aux consommateurs suite aux diverses annonces récentes d’Amazon. Les gens peuvent toujours utiliser la technologie « Just Walk Out », tout comme ils peuvent magasiner avec les nouveaux paniers Dash Carts (paniers d’épicerie avec écran et capteurs pour lire les codes barres, et diverses caméras) ou juste utiliser les caisses libre-service, comme dans n’importe quelle épicerie. Finalement, des agents conversationnels Alexa sont situés ici et là pour répondre aux questions des clients.

D’un point de vue promotionnel, il était évident que la succursale fréquentée cherche à attirer de nouveaux clients. Les offres promotionnelles pour les membres Prime s’ajoutant aux offres régulières pouvaient permettre d’économiser jusqu’à 20 % sur toute la facture d’épicerie. D’autre part, les prix étaient similaires à ce que nous voyons ailleurs.

Et une autre idée brillante a attiré notre attention pendant notre visite : la signalisation des diverses allées est réalisée par des écrans LED, ce qui permet de vendre de l’espace publicitaire aux marques offertes dans la section donnée. Un espace passif devient donc une source de revenu pour le commerce!

Et puis, c’est comment finalement? Je dirais que c’est très impressionnant. Si je vivais à Seattle, je fréquenterais probablement les nombreux Amazon Go pour la rapidité et l’efficacité. Je suis un peu moins certain pour Amazon Fresh, par contre. Avec les superépiceries à proximité - dont un Whole Foods Market qui appartient au même groupe - l’offre de produits d’Amazon Fresh, surtout dans le frais, n’est pas de calibre.

Seattle, la maison d’Amazon

Le siège social d’Amazon est situé en plein cœur du quartier des affaires de Seattle. À l’instar d’une autre marque emblématique née et gérée de Seattle, Starbucks, l’aura de l’entreprise est partout dans la ville. Les magasins Amazon Go, Amazon Fresh et Whole Foods sont légion. L’aréna de la Ligue nationale de hockey (LNH) est commandité par le programme « Climate Pledge » de l’entreprise. Les publicités pour le recrutement tapissent les murs et les autobus, et les touristes se mêlent aux milliers d’employés qui convergent vers le siège social.

En arrivant dans le quadrilatère où se situent les bureaux de l’entreprise, ce qu’on remarque en premier, ce sont les deux immenses sphères vitrées au pied des gratte-ciels. Elles abritent une forêt intérieure (où des employés s’affairent à travailler dans des espaces aménagés), des bars, un café et même une galerie d’art. Juste pour voir cette merveille d’architecture, ça vaut le détour!

Évidemment, nous n’avons pu entrer dans l’enceinte sécurisée du siège social, mais nous avons pu profiter des bananes offertes gracieusement aux employés et à la communauté! Un petit « food truck » à l’une des entrées distribue quotidiennement entre 6 500 et 7 000 bananes! Comme l’entreprise le dit: « GO BANANAS! »

Banane!

Si on se fie aux nombreux analystes qui suivent l’entreprise, Amazon doit encore travailler pour atteindre ses ambitions en alimentation. Toutefois, il y a assurément un début de révolution dans ce qu’on a pu observer et tester lors de notre passage à Seattle.

Sources:
NY Post
CNN
Retail Dive