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31.05.2024| Lecture de 6 minutes

Mettre la table pour l’avenir… en abolissant les silos

Guillaume 1Guillaume Mathieu, associé-cofondateur

Le jeudi 30 mai dernier, nous avons participé à la 5e édition de la rencontre annuelle des partenaires de la Politique bioalimentaire du Québec qui se déroulait à Drummondville. L’événement, organisé par le MAPAQ, a pour objectif de partager l’état de l’avancement des cibles et de communiquer le bilan annuel des actions posées. Cette année étant dans le dernier droit de la politique 2018-2025, le thème était orienté vers l’avenir afin de discuter des principaux enjeux à régler dans l’industrie et de mettre la table pour les solutions potentielles.

À titre de rappel, la présente Politique bioalimentaire a pour ambition de maintenir un haut niveau de confiance chez les consommateurs et de développer un secteur bioalimentaire prospère et durable. Pour y arriver, trois grands défis doivent être surmontés : répondre aux attentes des consommateurs en ce qui a trait à la santé et à l’environnement, accroître les activités des secteurs de la production, des pêches et de la transformation alimentaire au Québec et, finalement, augmenter la présence des produits bioalimentaires d’ici sur les marchés extérieurs. L’objectif ultime de cette politique? L’atteinte d’une plus grande autonomie alimentaire. Pour suivre l’avancement des diverses cibles, vous pouvez consulter les bulletins produits par le MAPAQ ici.

Avec le thème « Mettre la table pour l’avenir », qu’est-ce que les différents conférenciers et panélistes pouvaient nous réserver? Ça se résume assez simplement : un cri du cœur pour plus de collaboration et un abolissement des silos dans l’industrie. Avec les défis auxquels nous faisons tous face à cause, entre autres, des changements climatiques, de la situation géopolitique mondiale et de l’économie inflationniste, TOUS les acteurs de la chaîne n’ont pas le choix de collaborer : des producteurs aux distributeurs, en passant par les transformateurs, restaurateurs, influenceurs et instances diverses qui les régissent et les fédèrent.

Des consommateurs qui ont faim. Une industrie qui doit se mobiliser

Habitué de l’événement, Francis Parisien, vice-président pour l’est du Canada de NielsenIQ, nous a partagé, en début de journée, des données qui abondent dans le même sens des projections que nous avions faites avec lui dans l’édition 2024 de Bouillon. Le marché agroalimentaire cette année semble se stabiliser. On voit les nouvelles habitudes s’ancrer tranquillement. Mais tout n’est pas rose pour autant.

Le beau côté de la médaille, c’est que les réseaux québécois connaissent une croissance de leurs ventes en unités depuis quelques mois (situation qui n’est pas similaire dans l'ensemble des réseaux canadiens). En même temps, on n’a jamais autant vendu à rabais. Ce sont 56% des produits alimentaires en épicerie, toutes catégories confondues, qui sont vendus à rabais. Pas le choix de suivre la parade car trois Québécois sur quatre disent changer de marque pour économiser. Ça fait mal à la fidélité!

Malgré tout, on confirme, malheureusement, qu’une autre tendance identifiée dans Bouillon se concrétise. La conscientisation aux enjeux sociaux est plus pertinente que jamais. Avec la forte inflation des dernières années (+20% en deux ans), on constate un lot de statistiques déplorables comme le fait qu’un Québécois sur cinq sauterait un repas pour économiser, et que 7% de la population québécoise auraient recours aux banques alimentaires pour se nourrir adéquatement.

L’industrie a son rôle à jouer pour faire diminuer ces chiffres, notamment en proposant des produits à prix plus abordables, en contribuant à des programmes de dons de produits ou en participant à d’autres initiatives en ce sens. Sinon, cela risque fort de créer des enjeux de santé publique… et même des enjeux économiques pour le Québec.

Collaborer pour la santé collective

L’un des intervenants les plus attendus de la journée, le Dr Horacio Arruda, sous-ministre adjoint, ministère de la Santé et des Services sociaux, abondait dans le même sens : la santé, ça part de l’alimentation. Selon ses dires, la contribution des acteurs du monde agroalimentaire pour rendre accessible des aliments sains aux Québécois est cruciale pour – rien de moins que – la survie du système de santé.

Le célèbre docteur, qui est entré dans nos foyers à travers nos écrans tous les jours au début de la pandémie de COVID-19, est venu nous partager la vision « Une seule santé » des Nations Unies, qui prône la collaboration afin de voir la santé de manière holistique. Selon ce principe, la santé humaine est intimement liée à celle de l’environnement et animale. On peut aussi se dire que LA santé regroupe autant le système de santé, l’environnement, l’agriculture et l’alimentation.

À sa plus simple expression, on peut dire que si une population mange sainement dans un environnement sain tout en étant active, elle sera davantage en santé. Certaines personnes présentes à l’événement parlaient même qu’un dollar investi en agroalimentaire pourrait sauver 2$ au système de santé. Avec tous les problèmes que l’on connaît présentement dans nos hôpitaux, peut-être qu’une collaboration bien en amont de la chaîne pourrait être la piste de solution : mieux financer nos agriculteurs pour faire un virage écoresponsable et technologique, mieux former nos jeunes sur les saines habitudes de vie et la cuisine pour bien s’alimenter, etc. Ça semble pourtant si évident, non?

Collaborer pour mieux innover

Une saine alimentation c’est bien, mais avec tous les enjeux actuels que l’on connaît, ce n’est pas évident pour tous. Et si nous collaborions davantage plutôt que tout vouloir gérer en silos? Ce cri du cœur, on l’a entendu à maintes reprises au cours de la journée… pour ne pas dire de la bouche de tous les intervenants, que ce soit les professeurs du département d’économie agroalimentaire et des sciences de la consommation de Université Laval, les dirigeants d’Ouranos ou du Cirano, les entrepreneurs ou encore le président de l’UPA.

L’industrie bioalimentaire du Québec a besoin que ses acteurs collaborent davantage. Qu’au champ, on se partage nos données issues des nombreux capteurs qui équipent aujourd’hui la machinerie afin de l'interpréter localement plutôt que la donner gracieusement aux manufacturiers et sociétés étrangères qui nous la revendent à fort prix. Pourquoi ne pas penser à une coop de données? En transformation, on doit mieux partager nos meilleures pratiques pour optimiser nos chaînes de production, limiter les pertes et ainsi, être plus efficaces. En distribution, les modèles collaboratifs pour optimiser les routes et minimiser les voyages à vide doivent se multiplier. Du côté des détaillants, le code de conduite aidera assurément à assainir les relations entre tous. En restauration, on doit travailler sur l’expérience et la compréhension des consommateurs pour éviter encore des fermetures à la pelletée. Mais ultimement, on doit collaborer plus transversalement. Abandonner les silos. Bâtir des ponts, des circuits plus courts, des initiatives multisectorielles.

C’est ça que je retiens de notre journée à Drummondville pour assister à cette rencontre annuelle du MAPAQ et du ministre Lamontagne. La plupart des gens sur scène et dans l’assistance ne veulent plus de silos, ils veulent plus de collaboration et ce, à tous les niveaux. Ils veulent des bases de discussions communes. Ultimement, on travaille tous pour un objectif commun, soit une plus grande autonomie alimentaire qui permettra de nourrir convenablement tous nos concitoyens…et ainsi dépenser moins en santé, pour ultimement réinvestir dans la société.